En introduction, la première des trois capsules vidéos (« Idées fausses ») présentées dans le site de ATD Quart Monde…
« LES BS: TOUTES DES ALCOLOS OU DES DROGUÉS! »
Si l’on regarde de près les statistiques sur la consommation d’alcool au Québec, on constate, contrairement à la croyance populaire, que le pourcentage de personnes ayant une consommation excessive est supérieur chez les plus riches (25,5%) que chez les plus pauvres (13,3%)1, dont font partie les personnes assistées sociales. De même, lorsque l’on regarde les chiffres sur les buveurs réguliers ou excessifs, on observe que la consommation d’alcool touche toutes les couches sociales dans des proportions relativement semblables1. Ces données démontrent donc que le préjugé voulant que les « BS » soient « toutes des alcoolos » est non fondé.
En ce qui a trait à la toxicomanie, les seules statistiques trouvées qui ventilent les données en fonction du revenu montrent que 18,2 % des personnes très pauvres, ce qui inclut donc les personnes assistées sociales, consomment de la drogue2. Dans ce même groupe, 68,3% n’ont jamais consommé de drogues2. Ici aussi, le préjugé voulant que les « BS » soient « toutes des droguées » ne« À peine 3% de «fraudes» à l’aide sociale tient pas la route.
En plus des statistiques, nous avons posé la question suivante aux participant.e.s d’un comité de l’ADDSQM : qui a consommé de l’alcool dans la dernière semaine? Surprise: deux personnes répondent « oui », et ce ne sont pas des prestataires d’aide sociale. De plus, tous les membres du comité connaissaient au moins une personne qui présente un problème d’alcool et toutes ces personnes occupent un emploi. Enfin, les personnes du groupe qui nous ont raconté avoir déjà souffert d’une dépendance nous ont dit qu’elles ne recevaient pas d’aide de dernier recours à cette époque.
À la lumière de ces informations, pourquoi pointons-nous du doigt les personnes assistées sociales qui consomment en toute légalité le 1er du mois? Croyons-nous qu’elles boiront l’entièreté de leur chèque le premier jour du mois? De quel droit les jugeons-nous aussi sévèrement? Pour éviter de subir les préjugés, les personnes assistées sociales développent des stratégies pour acheter de l’alcool sans être vues, même pour de petites quantités. C’est dire comment le poids des préjugés est fort!
1Institut de la statistique du Québec. (2011). La consommation d’alcool au Québec : évolution et portrait régional.
2Chevalier, S. (1995). Consommation de drogues.
« LES PERSONNES ASSISTÉES SOCIALES Y ONT TOUTES! »
Comment couvrir ses besoins essentiels avec 616, 646, 747 ou 937$ par mois? Selon le ministère responsable de la Solidarité sociale, les prestations d’aide sociale devraient couvrir la totalité de ces besoins: l’alimentation, le logement, l’entretien ménager, les soins personnels, les communications, l’habillement, l’ameublement, le transport et les loisirs. Ainsi, une personne à l’aide sociale pourrait, malgré tout, vivre en dehors de la misère.
La première loi d’aide sociale (bill 26) a vu le jour en 1969; depuis, le programme a subi quatre réformes importantes durant lesquelles les prestataires ont vu diminuer leur prestation à chaque fois. En 1969, une personne seule recevait 217$ par mois, alors qu’aujourd’hui, une personne seule reçoit 616$. En considérant l’inflation de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) entre 1969 et 2014, le montant de la prestation de 1969 serait de 1379,11$ par mois en 2014. Cela revient à dire que le pouvoir d’achat des personnes prestataires d’aide sociale a été coupé de plus de la moitié en 45 ans de réformes! Si vous croyiez que le gouvernement n’était pas généreux avec les personnes à l’aide sociale à l’époque, imaginez aujourd’hui…
Indice des prix à la consommation, moyens annuel, non désaisonnalisé
Évidemment, il y a davantage de services offerts à la population aujourd’hui. Les HLM (Habitation à Loyer Modéré) en sont un exemple. Les personnes éligibles à cette subvention ne paient que 25% du coût de leur loyer, le reste étant assumé par le gouvernement. Cependant, Il n’y a pas de place en HLM pour chacune des personnes prestataires d’aide sociale. Selon Marc Tessier, conseiller au secrétariat de la SHQ, « Dépendamment de l’évaluation de la personne et des critères, une personne peut obtenir un logement six mois après son inscription. À l’autre extrême, une personne peut se réinscrire à chaque année pendant dix ans sans avoir de place. » Au Québec, il y a environ 65 000 logements HLM; la liste d’attente est d’environ 37 000 noms. Il y a autour de 451 000 personnes assistées sociales au Québec. Le programme de HLM est nettement insuffisant pour combler le besoin…
HLM: près de 40 000 personnes sur les listes d’attente au Québec
D’autres services et avantages sont disponibles pour les personnes recevant des prestations d’aide sociale. Par exemple, une partie des soins de la vue et des soins dentaires sont payés. Si un prestataire d’aide sociale à besoin de lunette, le gouvernement déboursera 55$; l’excédent devra être assumé par la personne. Si vous considérez le prix d’une paire de lunette, vous vous rendrez vite compte qu’avec un chèque de 616$ par mois, 55$ ne permettent pas de se procurer des lunettes!
Bref, le gouvernement ne fait que couper le programme d’aide sociale depuis des décennies. Pour compenser les coupures, le gouvernement à consenti des compromis qui ne sont pas réellement des avantages disponibles pour l’ensemble des personnes assistées sociales. Un parent, bénéficiant de l’aide sociale, n’aurait pas les moyens de payer des lunettes à son enfant, même avec une réduction de 55$. Une personne vivant seule ne pourrait même pas s’en payer d’ailleurs! Mais il y a plus: une personne assistée sociale, recevant une pension alimentaire pour son enfant, ne recevra pas la totalité de sa prestation! Avec les années, le gouvernement à développé une solution facile pour permettre d’équilibrer le budget: faisons des coupes à l’aide sociale! Allant toujours plus loin dans les coupures, il est évident que ce programme est devenu nettement insuffisant. Entre la prestation actuelle de 616$ et celle de 1379$, qui respecterait l’inflation, c’est un pouvoir d’achat de 763$ qui a été perdu. Cet argent aurait dû servir à combler les besoins essentiels de ces personnes et, ainsi, faciliter leur retour sur le marché du travail.
« Si vous croyez toujours qu’ils ont toutes, faites une demande et on s’en reparle! »
« LES BS SONT PARESSEUX ET NE FONT RIEN, ILS NE VEULEUT PAS TRAVAILLER! »
Pour commencer, nous devons rétablir quelques faits: 62% des personnes prestataires d’un soutien financier à l’aide sociale sont reconnues ne pas pouvoir travailler.
Il est faux de dire que les personnes assistées sociales sont paresseuses. Tout au cours de la semaine, elles assument elles-mêmes leurs tâches quotidiennes. Dû à l’insuffisance d’argent, elles doivent assurer elle-même leur survie en fréquentant les banques alimentaires, les comptoirs vestimentaires et d’autres organismes distribuant des biens de premières nécessités. Pour assurer leurs besoins essentiels, manger, se vêtir, etc. elles doivent déployer beaucoup de temps et d’énergie. Et qui travaillent dans ces organismes? Pour la plupart, ce sont d’autres personnes assistées sociales.
La plupart des personnes assistées sociales ne peuvent pas avoir un travail rémunéré. Par contre, ce sont souvent elles qui oeuvrent dans les organismes communautaires et s’impliquent dans leur communauté par le bénévolat.
Selon Statistique Canada. 38,1% des personnes qui n’occupent pas un emploi font du bénévolat. Plus de deux millions de personnes consacrent annuellement près de 310 millions d’heures de bénévolat dans toutes les régions du Québec. Par exemple dans notre organisme, les militantEs sont pour la plupart des personnes assistées sociales, elles donnent de leur temps et ressources sans contrepartie, et le font gratuitement.
Elles veulent aller sur le marché du travail mais pourtant, les employeurs ne sont pas tous ouverts pour engager ces personnes. Ils sont persuadés qu’elles ne peuvent pas travailler, étant donné qu’elles sont à l’aide sociale. Donc, ils ne leurs laissent pas de chance et refusent de les engager.
Comment dans ce contexte, augmenter notre expérience de travail? Parfois, certains employeurs refusent des gens sur l’aide sociale soit par manque de formation scolaire ou un manque d’expérience dans le domaine. Avec le montant que nous recevons à l’aide sociale, il est difficile d’intégrer le marché du travail surtout si nos besoins essentiels ne sont pas comblés.
Il faut des sous pour se trouver un emploi: le coût du CV, les frais de transport, l’habillement, etc.
« Si les gens prenaient le temps de discuter avec « nous », ils verraient que notre temps et notre énergie est consacré à briser notre isolement et à contribuer à notre société. »
« LES PERSONNES ASSISTÉS SOCIALES SONT DES FRAUDEURS! »
Chaque fois qu’une personne assistée sociale se trouve dans une situation de surplus monétaire, elle doit rembourser en intégralité l’argent versé en trop par le ministère. Une somme, déterminée par un agent d’aide sociale, sera alors prélevée sur sa prestation.
Il faut savoir que pour les personnes assistées sociales, tout ce qui concerne l’argent doit être déclaré: travail, biens, cadeaux. En plus de l’obligation de tout déclarer, les personnes doivent le faire presque sans délai. Souvent, dans les médias et dans la population en général, les personnes confondent omission de déclarer et retard avec fausse déclaration ou fraude. En réalité, la fraude à l’aide sociale n’est pas plus importante que dans le reste de la population.
« À peine 3% de «fraudes» à l’aide sociale (…) Des erreurs de bonne foi expliquent en majeure partie l’aide versée en trop. » – Le Devoir, Isabelle Porter, 8 septembre 2014
Contrairement à certains préjugés tenaces, les fraudes à l’aide sociale demeurent un phénomène marginal. Selon des données obtenues par Le Devoir, le gouvernement a réclamé l’an dernier pour 86 millions $ de fausses déclarations, sur 2,8 milliards $ de prestations versées, soit l’équivalent de 3%.
Les données indiquent en outre que la grande majorité des fausses déclarations sont dues à des erreurs de bonne foi (80%), c’est à dire que la personne s’est trompée sans le savoir en rédigeant sa demande. En additionnant les « fausses » fraudes et les « vraies », on obtient un total de 124 millions $ soit 4% de l’ensemble.
M. Blais (ministre de la solidarité sociale, à l’époque) a lui-même déclaré que la fraude à l’aide sociale « (…) n’est pas un phénomène important ».
Ce phénomène ne représente qu’une très faible proportion des dépenses relatives à l’aide sociale: ce n’est qu’environ 2% du budget de l’aide sociale et qu’un dérisoire 0,1% des revenus du Québec. On voit donc que le préjugé persistant qui soutient que la très grande majorité des prestataires de l’aide sociale sont des fraudeurs ne trouve pas d’écho dans la pratique.
En comparaison, les montants en jeu par rapport à l’évasion fiscale sont astronomiques. Toujours selon Revenu Québec, on estime que par ce phénomène, ce sont 3 500 MM $ qui nous échappent encore chaque année, soit près de 50 fois plus que ce que nous coûte la fraude à l’aide sociale. Cela représente près de 5% des revenus du Québec et c’est plus que le budget assigné à l’aide sociale dans son entier.
Beaucoup de préjugés sont accolés aux personnes assistées sociales et aucun ne sont fondés. Certains les voient comme étant favorisés, d’autres comme étant chômeurs, ou encore comme étant malhonnête; cela ne change absolument rien à leur situation qui n’a absolument rien d’enviable. La vérité est que cette situation peut arriver à n’importe qui. Il est vrai que certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres. Il est donc important de faciliter la réinsertion des personnes assistées sociales sur le marché du travail plutôt que d’en rajouter en isolant et en discréditant des personnes qui font tout ce qu’elles peuvent pour s’en sortir. Qu’arriverait-il si ces personnes avaient ce qu’il faut pour combler la totalité de leurs besoins et ainsi pouvoir être au maximum de leur capacité pour se trouver un emploi? Ne vaudrait-il pas mieux de permettre à ces personnes de retourner rapidement sur le marché du travail en doublant leurs prestations plutôt que de leur laisser le strict minimum pour les entretenir dans la misère pendant des années?